Que contient la directive sur l’harmonisation de la gestion des droits d’auteur ?

commission européenneLe 4 février 2014, la directive pour l’harmonisation de la gestion des droits d’auteur à été adoptée par le Parlement européen.

Mais derrière les termes d’harmonisation, que prévoit cette directive ? Cet article propose un résumé rapide du contenu de la directive.

-Proposition de directive du 11 juillet 2012.

-Projet adopté le 4 février 2014 par le Parlement européen.

-Ce projet doit être adopté par le Conseil européen puis transposé par les Etats membres dans les deux ans suivant l’adoption.

La proposition de directive du 11 juillet 2012 comprend deux principaux objectifs :

  • Une amélioration de la transparence des différentes sociétés de gestion collective en Europe.
    • Des règles relatives à l’organisation de l’affiliation aux sociétés de gestion collective.
    • Des règles sur la gestion financière. La société de gestion collective devrait :
      • i) préciser les prélèvements applicables dans ses accords avec les titulaires de droits ;
      • ii) garantir aux membres et aux titulaires de droits un accès équitable aux services sociaux, culturels ou éducatifs qu’elle financerait avec des prélèvements ;
      • iii) payer sans délai les sommes exactes dues aux titulaires de droits et s’efforcer d’identifier les titulaires de droits.
    • Des obligations d’information :
      •  i) information des titulaires de droits sur les montants perçus et versés, les frais de gestion facturés et les autres prélèvements effectués ;
      • ii) information des autres sociétés de gestion collective sur les droits gérés en vertu d’accords de représentation ;
      •  iii) information sur demande des titulaires de droits, des autres sociétés et des utilisateurs ;
      • iv) publication d’un rapport annuel de transparence.
  • Une facilitation de l’obtention de licences paneuropéennes pour les acteurs du marché de la musique en ligne.
    • Traiter avec efficacité et transparence les données nécessaires à l’exploitation de ces licences, en ayant recours à une base de données évolutive, fiable et contenant les données nécessaires.sonos_concept_streaming
    • Transparence en ce qui concerne le répertoire de musique en ligne qu’elle représente.
    • Offrir aux titulaires de droits et aux autres sociétés la possibilité de corriger les données pertinentes et d’en assurer l’exactitude.
    • Contrôler l’utilisation réelle des œuvres couvertes par les licences, être en mesure de traiter les déclarations d’utilisation et la facturation.
    • Payer sans délai les titulaires de droits et les autres sociétés de gestion collective et leur fournir des informations sur les œuvres utilisées et les données financières relatives à leurs droits (par exemple, les montants perçus, les prélèvements effectués).

Les critiques :

  • La Commission européenne a lancé des consultations et pourrait faire des propositions pour une remise à plat du droit d’auteur. On peut penser à la consultation « Des licences pour l’Europe » qui vise à résoudre les problèmes auxquels les citoyens européens peuvent se heurter dans plusieurs domaines (Accessibilité et la portabilité transfrontières des services, contenus créés par les utilisateurs et octroi de micro-licences, patrimoine audiovisuel…). Mais, la Commission a aussi lancé une consultation publique sur le sujet en ligne jusqu’au 5 mars, sous la forme de 80 questions.
  • Le questionnaire a fait bondir les auteurs. Selon eux, les questions, seraient biaisées.
  • Les créateurs craignent un affaiblissement de leurs droits sous la forme d’une augmentation du nombre d’exceptions au droit d’auteur ou de réduction de la période pendant laquelle les droits sont protégés.
  • La Commission européenne rédigera ensuite un Livre blanc pour synthétiser le résultat de cette consultation et faire des propositions.
  • Le 29 janvier, l’association européenne des auteurs-compositeurs (ECSA) a lancé une pétition en ligne « contre le démantèlement des droits des créateurs » en Europe. Cette pétition est en ligne jusqu’au 5 mars 2014.

Pour en savoir plus sur la proposition de directive du 11 juillet 2012 : http://bit.ly/1bSq6sc

Benoît Bellaïche
b.bellaiche@gmail.com

La signature électronique, qu’est-ce que c’est ?

 

La Signature électronique :

1) Définition

  • Mécanisme qui permet de garantir l’intégrité d’un document électronique et d’authentifier l’auteur.
  • Elle est fondée sur la cryptographie asymétrique et repose sur l’exploitation d’une clé publique et d’une clé privée qui sont mathématiquement liées. Le destinataire peut déchiffrer la signature électronique grâce à la clé publique contenue dans un certificat numérique. Ainsi la signature électronique utilise deux composants logiciels : un dispositif de création de signature pour le signataire et un dispositif de vérification de signature pour le destinataire d’un fichier signé.
  • La signature doit être :
    • Authentique
    • Infalsifiable
    • Non réutilisable
    • Inaltérable
    • Irrévocable

2) Textes applicables

  • Union européenne :
    • Directive 1999/93/CE sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques.
  • France :
    • Loi n°2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique.
    • Loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.
    • Loi n°2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
      • Décret n°2001-272 du 30 mars 2001, pris pour l’application de l’article 1316-4 du code civil et relatif à la signature électronique.
      • Décret n°2002-535 du 18 avril 2002 relatif à l’évaluation et à la certification de la sécurité offerte par les produits et les systèmes des technologies de l’information.
      • Décret n°2010-671 du 18 juin 2010 relatif à la signature électronique et numérique en matière pénale et modifiant certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale.

TGI Paris

La jurisprudence sur la différence entre version papier et version numérique :

  • L’article 1316-1 du code civil dispose : : « L’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité ».
  • L’article 1348 du code civil admet la valeur probatoire d’une copie dès lors que celle-ci est une reproduction fidèle et durable de l’original.
    • La Cour de cassation en a rappelé le principe dans  l’arrêt n° 07-17622 du 4 décembre 2008, où une partie tentait de démontrer l’existence d’un courrier en en produisait une copie informatique qui n’était pas la reproduction exacte du présumé courrier.
    • Dans des espèces semblables, la Cour de cassation a toutefois admis que ce principe pouvait être aménagé si, même en l’absence d’une copie fidèle, de nombreux autres indices pouvaient laisser à penser que le courrier existait et que son destinataire l’avait bien reçu. (Cour de cassation, civile 2, 1 juillet 2010 n° Y 09-14.685 et 17 mars 2011 Civ 2 n° 10-14.850).

Benoît Bellaïche
b.bellaiche@gmail.com

Google est-il soumis à la loi informatique et libertés ?

L’Application territoriale de la loi informatique et libertés est notamment problématique concernant la société Google.

GoogleL’article 2 alinéa 1 de la loi Informatique et libertés prévoit que cette loi s’applique « lorsque leur responsable [de traitement] remplit les conditions prévues à l’article 5 ».

L’article 5 de la loi Informatique et libertés pose le principe de territorialité de la loi :

« I. – Sont soumis à la présente loi les traitements de données à caractère personnel :

1° Dont le responsable est établi sur le territoire français. Le responsable d’un traitement qui exerce une activité sur le territoire français dans le cadre d’une installation, quelle que soit sa forme juridique, y est considéré comme établi.

2° Dont le responsable, sans être établi sur le territoire français ou sur celui d’un autre État membre de la Communauté européenne, recourt à des moyens de traitement situés sur le territoire français, à l’exclusion des traitements qui ne sont utilisés qu’à des fins de transit sur ce territoire ou sur celui d’un autre État membre de la Communauté européenne.

II. – Pour les traitements mentionnés au 2° du I, le responsable désigne à la Commission nationale de l’informatique et des libertés un représentant établi sur le territoire français, qui se substitue à lui dans l’accomplissement des obligations prévues par la présente loi ; cette désignation ne fait pas obstacle aux actions qui pourraient être introduites contre lui ».

a. Critère lié à l’établissement de la personne sur le territoire français.

La loi considère que le responsable de traitements qui « exerce une activité sur le territoire français dans le cadre d’une installation quelle que soit sa forme juridique, y est considéré comme établi ».

L’article ne vise donc pas le lieu du siège social du responsable de traitement mais bien toute entité par laquelle il opère le traitement de données à caractère personnel. Autrement dit il peut s’agir d’une succursale ou d’une filiale.

Une simple domiciliation sans activité effective associée à l’installation ne suffirait pas à satisfaire le critère d’avoir un établissement sur le territoire français.

b. Critère de territorialité des moyens utilisés.

Indépendamment du fait que le responsable de traitements soit ou non établi sur ce territoire français, un autre critère permet l’applicabilité de la loi Informatique et libertés : des moyens utilisés en France. La notion de « moyens utilisés » est entendue très largement et englobe notamment :

-Les équipements informatiques.

-L’exploitation effective des traitements et ce même si les équipements sont localisés dans un autre pays.

-Le personnel dédié à la gestion des équipements ou à l’exploitation des ressources.

La jurisprudence concernant Google a évolué récemment :cour_dappel

Dans une ordonnance du 14 avril 2008 du TGI de Paris : Google échappe à la loi informatique et liberté.

Bien que la demanderesse soit française, le juge écarte la loi « Informatique et libertés ». Pour cela, il s’appuie sur son article 5 qui prévoit que les traitements de données personnelles soumis à la loi de 1978 modifiée en 2004 sont ceux dont le responsable est établi en France ou qui a recours à des moyens de traitement situés en France. En l’occurrence, Google.fr, site à partir duquel les messages en question ont été envoyés et consultés, est édité par Google Inc., société américaine dont les serveurs se trouvent en Californie. Cette dernière dispose bien d’une filiale en France, mais le tribunal considère que celle-ci n’agit qu’en qualité de simple agent qui ne dispose d’aucun mandat pour administrer le moteur de recherche ou le service Google Groupes.

Le TGI a par ailleurs refusé l’application de la loi française, sur le fondement de l’exception d’ordre public. Cette règle de droit international privé permet au tribunal d’imposer le choix de la loi française s’il estime que le droit étranger compromettrait les valeurs fondamentales de notre droit.

Dans une ordonnance de référé du 28 octobre 2010, le TGI de Montpellier la loi informatique et liberté vient s’appliquer à Google.

Le juge des référés ne s’est pas attardé sur la question de l’application de la loi de 1978 modifiée à Google Inc., société de droit américain dont les serveurs sont situés outre-Atlantique. Il s’est contenté de faire référence à l’article 5 de la loi qui prévoit les règles de compétence territoriale de ses dispositions, en indiquant que la loi s’applique « lorsque leur responsable remplit les conditions prévues à l’article 5 ».

-Concernant la même affaire, l’arrêt du 29 septembre 2011 de la Cour d’appel de Montpellier confirme le jugement du 28 octobre 2010, et la loi informatique et liberté vient à nouveau s’appliquer à Google.

« Or, dans le cadre de ses opérations d’indexation consistant en l’analyse par ses logiciels de dizaines de milliards de pages internet de par le monde dans le but de les indexer pour les mettre ensuite à la disposition des utilisateurs de ses services, la société GOOGLE INC, qui a elle-même ses propres serveurs de stockage dans différents pays de la Communauté européenne, utilise et a nécessairement besoin à des fins de traitement de l’ensemble des moyens que constituent les ordinateurs individuels et les serveurs lesquels, en ce qui concerne les sites incriminés dans le présent litige et libellés en langue française, sont nécessairement dans leur grande majorité, implantés sur le territoire français ou sur le territoire d’un Etat membre de le la communauté européenne.

Il convient en conséquence de considérer que la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est bien territorialement applicable à la société GOOGLE INC. »

Le 15 février 2012, le tribunal de grande instance de Paris a été saisi en référé d’une demande semblable à celle exposé ci-dessus : une femme qui dans sa jeunesse, avait tourné dans des films pornographiques, demandait que Google désindexer les liens renvoyant vers ces films. Sa demande était fondée sur le droit au respect de sa vie privée et sur son droit d’opposition au titre de la loi informatique et libertés.

Le tribunal  a constaté une atteinte au droit au respect à la vie privée et a ordonné à Google Inc. De désindexer les pages en cause. Le tribunal s’est surtout attaché à vérifier la responsabilité de Google au sens de la LCEN, et n’a pas évoqué la question de l’application territoriale de la loi informatique et libertés.

Le 6 novembre 2013, la 17ème chambre du TGI de Paris ordonne à Google de retirer et de cesser, pendant une durée de cinq années, l’affichage sur le moteur de recherche Google images qu’elle exploite, des neuf images dont Max Mosley a demandé l’interdiction. Cette décision se base sur le respect de la vie privée.

Dans ses demandes la partie défendant Max Mosley invoque la loi informatique et liberté (page 3), mais les juges ne reprennent pas cet argument dans leur décision.

Il semble que les dernières décisions rendues se penchent plus vers la protection de la vie privée. La question territoriale du traitement des données étant écartée.

Le 13 mai 2014, dans l’arrêt « Google Spain » la Cour de justice de l’Union européenne se prononce notamment sur le droit à l’oubli et sur l’application territoriale de la directive 95/46 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.  la Cour observe que Google Spain constitue une filiale de Google Inc. sur le territoire espagnol et, partant, un « établissement » au sens de la directive. La Cour rejette l’argument selon lequel le traitement de données à caractère personnel par Google Search n’est pas effectué dans le cadre des activités de cet établissement en Espagne. La Cour considère à cet égard que, lorsque de telles données sont traitées pour les besoins d’un moteur de recherche exploité par une entreprise qui, bien que située dans un État tiers, dispose d’un établissement dans un État membre, le traitement est effectué « dans le cadre des activités » de cet établissement, au sens de la directive, dès lors que celui-ci est destiné à assurer, dans l’État membre en question, la promotion et la vente des espaces publicitaires proposés sur le moteur de recherche en vue de rentabiliser le service offert par ce dernier.

Benoît Bellaïche
b.bellaiche@gmail.com

« Des licences pour l’Europe » ou la tentative d’assouplissement de l’application du droit d’auteur dans l’Union européenne.

commission européenne

– Les licences d’exploitation des œuvres de l’esprit sont des contrats passés entre des auteurs ou ayants droit et d’autres personnes à qui elles concèdent des droits dont ils ont acquis l’exclusivité au titre du droit d’auteur.

– En moyenne, chaque minute, 72 heures de vidéo sont chargées sur YouTube et plus de 150 000 photos sont publiées sur Facebook. Parfois, ces contenus créés par les utilisateurs «réutilisent» du matériel existant (comme les remixes, les mashups ou les vidéos faites maison avec une bande-son ajoutée) et, de ce fait, sont souvent couverts par une forme de licence octroyée par les titulaires de droits. Parallèlement, les petits utilisateurs de contenus doivent déployer une énergie considérable pour savoir comment acquérir des licences.

– Cette action de négociations qui a pour but de simplifier la pratique des utilisateurs semble être un faible palliatif à l’absence d’une véritable volonté de modification du droit d’auteur à l’ère du numérique.

En décembre 2012, la Commission européenne a adopté une communication qui tend à ce que le cadre de l’UE sur le droit d’auteur reste adapté à son objet dans l’environnement numérique.

Ce dialogue intitulé « Des licences pour l’Europe » s’est achevé le 13 novembre 2013.

Lors de la dernière séance plénière, les participants au dialogue «Des licences pour l’Europe» se sont engagé à résoudre les problèmes auxquels les citoyens européens peuvent se heurter dans quatre domaines:

-l’accessibilité et la portabilité transfrontières des services ;

-les contenus créés par les utilisateurs et l’octroi de micro‑licences ;

-le patrimoine audiovisuel ;

-la fouille de textes et de données.

« Nous devons faire preuve de pragmatisme pour progresser dans le domaine du droit d’auteur», a quant à elle déclaré Neelie Kroes, qui assure, sans avoir l’air d’y croire, que « si l’industrie parvient à concrétiser ces engagements, nous franchirons un pas supplémentaire vers la concession de licences de contenus véritablement adaptées à l’ère numérique ». Elle prévient cependant, encore, toujours, qu’il faudra « maintenant nous intéresser au rôle que la législation actualisée pourrait jouer dans l’accomplissement de nouveaux progrès ».

Plusieurs critiques sont faite, notamment par plusieurs organisations de défense des droits des internautes, comme EDRI ou la coalition Copyright For Creativity, qui ont appelé à ouvrir d’urgence ce chantier d’une révision législative du droit d’auteur. Certains estiment que la Commission européenne a utilisé ce processus « Licences for Europe », pour ne pas avoir à ouvrir à nouveau le chantier de la directive de 2001 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la Société de l’information.

Benoît Bellaïche
b.bellaiche@gmail.com

L’hébergeur pas tenu d’apprécier le caractère diffamatoire d’un contenu, ni de retirer les contenus non manifestement illicites

H&M

 

Le 4 avril 2013, deux décisions sont venues rappeler le régime de responsabilité allégée en faveur des hébergeurs qui est posé par l’article 6 de la LCEN. L’hébergeur n’a donc pas à apprécier le caractère diffamatoire d’un contenu et il n’est pas tenu de retirer les contenus qui ne sont pas manifestement illicite.

Dans l’ordonnance du 4 avril 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance indique que Google et Youtube ne sont pas fautifs de ne pas avoir retiré les contenus signalés par H&M.  Cette absence de faute est possible car la qualité d’hébergeur est reconnue à la plate forme de partage de vidéos et à Google.

L’enseigne suédoise de prêt-à-porter considérait que les vidéos et photos diffusées sur youtube.com et google.com étaient diffamatoires et constituaient une contrefaçon de sa marque.

Le juge des référés mentionne qu’il n’appartient que au juge du fond de déterminer si une atteinte aux droits de la marque a été commise. Mais le juge annonce qu’il peut en apprécier la vraisemblance. Il estime que la contrefaçon alléguée n’apparaît pas vraisemblable. En l’espèce, la marque est utilisé pour informer le consommateur du comportement éventuel de la cible et cause et non dans la vie des affaires.

En ce qui concerne l’appréciation du caractère diffamatoire des vidéos cela « suppose une analyse des circonstances ayant présidé à leur diffusion, laquelle échappe par principe à celui qui n’est qu’un intermédiaire technique. »

Le juge des référés rappel de plus que « diffamation, à la supposer constituée n’égale pas forcément trouble manifestement illicite. »

Etant donné que les contenus litigieux seraient de nature à causer un préjudice à H&M et que les auteurs des contenus n’ont pas été identifiés et qu’ils ne se sont pas expliqués, le juge ordonne à Youtube et à Google de supprimer les contenus litigieux dans un souci d’apaisement.Youtube

On peut lier cette décision avec un arrêt du même jour de la cour d’appel de Paris qui indique qu’en l’absence de contenus manifestement illicites, l’hébergeur n’est pas tenu de retirer un article qu’on lui signale.

Dans cet arrêt une personne considérait qu’un article publié sur le site selenie.fr comportait des allégations qui portaient atteinte à son honneur et à son image.

Cette personne s’était tournée vers les différents hébergeurs pour leur notifier le contenu en cause, en vue de son retrait. Un hébergeur n’avait pas procédé au retrait et comme l’action sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse était prescrite elle s’était tournée vers le juge des référés.

Le juge des référés avait constaté l’absence de contenu manifestement illicite. La cour d’appel vient confirmer l’ordonnance de référé et énonce que l’article demeurait dans le champ de la liberté de critique et d’expression sans dégénérer en abus.

TGI Paris

En outre, la cour vient rappeler que certains contenus expressément visés par la loi doivent être supprimés par l’hébergeur sans décision de justice.

Ainsi on peut remarquer que dans la première décision le juge est plus précis. En effet dans la deuxième décision il ne semble pas y avoir de distinction entre contenu illicite et trouble manifestement illicite.

Benoît Bellaïche
b.bellaiche@gmail.com

Photos en ligne : les droits de la personnalité l’emportent sur la liberté de création artistique

 

Le 10 janvier 2013, dans une ordonnance de référé, le TGI de Paris vient énoncer que le droit à l’image prime sur la liberté de création artistique.

 

TGI ParisLe juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris a indemnisé une femme dont des photos la représentant de manière intime prises par son ex amant avaient été diffusées sur 24 sites internet sans son autorisation.

L’amant était un artiste photographe. Au moment de la rupture, la femme avait obtenu la promesse de l’artiste de ne pas en faire usage. Mais l’artiste qui est reconnu dans le monde de l’art contemporain avait reproduit les photos en utilisant une technique destinée à donner à l’image un « rendu photoréaliste. »

Etant donné que les photos avaient été prises avec le consentement de la femme, l’artiste estimait qu’il détenait aussi son accord pour l’utilisation des clichés.

Mais le juge considère que « le défendeur ne saurait utilement prétendre que la liberté de création artistique abolirait le droit à la vie privée et le droit à l’image des tiers hors l’hypothèse d’une atteinte à la dignité ; qu’outre le fait qu’il n’appartient pas à une juridiction de tracer la frontière entre ce qui peut ressortir ou non à la création artistique, cette solution heurterait, par son caractère absolu, les exigences de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales qui imposent aux Etats de protéger ces droits subjectifs et d’apprécier concrètement la nécessité de faire prévaloir la liberté d’expression sur les droits à la vie privée et à l’image ; qu’en l’occurrence, il apparaît, à l’évidence, que le droit pour Virginie G. de ne pas voir rendre publiques des images la représentant dans des scènes relevant de la sphère de sa vie privée, parfois la plus intime, doit prévaloir sur la liberté d’expression, fût-elle de nature artistique, de Juan F. »

L’artiste avait reçu un prix remis par le ministre de la Culture espagnol en présence de la femme photographiée. Le juge des référés a considéré que la présence à la cérémonie de remise des prix valait consentement. Mais cet accord de diffusion pour le cliché primé ne saurait « valoir autorisation générale de reproduction et d’exposition publique de toutes les photos, même prises avec son consentement. »

Le TGI de Paris conclut que la liberté de création artistique n’abolit pas le droit à la vie privée et le droit à l’image des tiers.

Benoît Bellaïche
b.bellaiche@gmail.com