Suite à la demande du ministre de l’intérieur de bloquer par adresse IP ou par DNS le site copwatchnord-idf.org, le TGI de Paris a estimé le 14 octobre 2011 que le site était diffamatoire et injurieux à l’encontre de la gendarmerie et de la police, qu’il avait collecté déloyalement et mis en ligne des données personnelles sur les policiers.
Le tribunal a donc ordonné le blocage dans le cadre du référé comme l’y autorise l’article 6-I-8 de la LCEN (Loi pour la confiance dans l’économie numérique) du 21 juin 2004.
Le lancement en France du site copwatchnord-idf.org, premier site consacré à la surveillance des policiers a réveillé de vieilles querelles entre groupes libertaires et syndicats de policiers. Le site inspiré par un mouvement né dans les années 1990 aux Etats-Unis encourageant les citoyens à surveiller et à photographier les policiers. L’initiative française, liée au réseau des plates-formes alternatives Indymedia, se veut une première base de données consacrée aux policiers d’intervention. Des galons des gradés aux équipements des brigades en passant par la localisation des unités de CRS, c’est un véritable flicage en ligne des forces de l’ordre.
Le mouvement copwatching avait déjà fait parler de lui en France en décembre dernier. La même plate-forme collaborative « Indymedia Paris » avait à l’époque publiée des dizaines de clichés de policiers en civil, écouteur à l’oreille. Réaction fulgurante, outragée, des syndicats policiers, Alliance en tête, dénonçant « une prolifération de sites et autres blogs anti-flics ». Saisi, le ministère de l’Intérieur avait alors porté plainte contre le site et obtenu le retrait du billet polémique.
Dans cette affaire, Le ministre de l’Intérieur Claude Guéant s’était ému de cette situation et avait demandé la suppression pure et simple d’une dizaine de pages qui permettaient d’accéder aux données personnelles concernant des gardiens de la paix.
« Le coût du blocage, en revanche ne sera pas supporté par les FAI, comme le ministre le demandait. Même si la LCEN ne prévoit aucun mécanisme d’indemnisation de ces prestataires, le tribunal a appliqué le principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques. »
Pourtant, les fournisseurs d’accès qui ont plaidé à l’audience ont argué que cette mesure était techniquement impossible. Le tribunal a admis les arguments des FAI sur l’impossibilité de bloquer les URL concernées. Ces derniers s’appuient sur le rapport de trois experts judiciaires rédigé à la demande de la Fédération française des télécoms qui conclut que le blocage par URL demandé par le ministre n’est ni adapté ni proportionné et nullement « propre » à mettre fin au dommage. De plus, la mise en place d’un tel système serait longue et très onéreuse pour les FAI. C’est pourquoi le tribunal a préféré leur ordonner le blocage du site (par IP ou DNS), à charge pour eux de mettre en œuvre tous les moyens dont ils disposent en l’état de leur structure ou de leur technologie. Cette décision est provisoire, dans l’attente d’une décision définitive statuant sur les deux plaintes déposées par le ministre de l’Intérieur.
Ainsi, dans son jugement, le tribunal « fait injonction » à Free, France Telecom, SFR, Bouygues Telecom, Numericable et Darty Telecom « de mettre en œuvre ou faire mettre en œuvre, sans délai, toutes mesures propres à empêcher l’accès, à partir du territoire français et/ou par leurs abonnés situés sur ce territoire au site ».
Ce blocage, selon le tribunal, devra être maintenu « jusqu’à ce que soit rendue une décision définitive statuant sur les deux plaintes déposées le 4 octobre 2011 par le ministre de l’Intérieur contre X pour injures et diffamation envers des fonctionnaires de police et l’administration ».
En effet, en cas de conteni manifestement illicite, la loi donne à l’autorité judiciaire le pouvoir de prescrire à l’hébergeur, et par défaut au fournisseur d’accès, toute mesure pour prévenir le dommage.
Le coût du blocage, en revanche ne sera pas supporté par les FAI, comme le ministre le demandait. Même si la LCEN ne prévoit aucun mécanisme d’indemnisation de ces prestataires, le tribunal a appliqué le principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques. Il a estimé en effet qu’ils ne sont pas responsables des contenus en cause et ne doivent pas financer le coût d’une mesure justifiée par l’intérêt général. Il appartiendra au ministère de l’Intérieur de rembourser aux FAI les coûts afférents à la mesure de blocage du site sur présentation de factures correspondantes.
Mais les données de ce site seront probablement toujours disponible, car avec l’effet Streisand, plus de 30 sites miroirs ont déjà copié le contenu du site Copwatch. L’effet Streisand est un phénomène internet qui se manifeste par l’augmentation considérable de la diffusion d’information ou de documents faisant l’objet d’une tentative de retrait ou de censure.
Benoît Bellaïche
b.bellaiche@gmail.com