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L’arrêt total de Megaupload n’a été possible que parce que certains serveurs se trouvaient aux Etats-Unis. Malgré l’interdiction du site on annonce déjà son retour, probablement grâce à des serveurs situés dans d’autres pays.

 

Comme chacun sait, le site Megaupload a cessé de fonctionner le 19 janvier alors que le ministère de la justice américaine annonçait en outre la mise en accusation et l’arrestation des dirigeants de la société Megaupload.

 

Ainsi et comme le rappel Maître Eolas sur son blog, tout a commencé par une enquête du FBI, la police fédérale des Etats-Unis. Cette enquête a réuni des éléments à charge contre les fondateurs de Megaupload, qui ont été présentés, comme la loi l’exige, à un Grand jury, composé d’au moins 16 personnes, qui vote pour dire s’il y a lieu de prononcer une inculpation (indictment). C’est une procédure non contradictoire. Le Grand Jury a prononcé cette inculpation, qui permettait au FBI d’engager des poursuites judiciaires et surtout d’exercer des actes de contrainte sur les personnes suspectées (sans indictment, seule une garde à vue est possible, et une très courte détention provisoire, le temps nécessaire au Grand Jury de se prononcer sur l‘indictment).

Sur la base de cet indictment, le FBI a saisi un juge fédéral de Virginie qui a émis un mandat d’arrêt international. Ce mandat d’arrêt international oblige tous les pays liés aux États-Unis par des accords internationaux d’arrêter les personnes visées et de les tenir à disposition des autorités américaines (certains États, comme la France, refusent d’extrader leurs nationaux, mais à la place les jugent sur leur territoire).

Les quatre suspects étaient en Nouvelle Zélande sans qu’aucun d’eux en ait la nationalité, la question ne se posait donc pas. La police les a arrêtés le 20 janvier. Comme le prévoit la loi néozélandaise, ils ont été présentés à un juge qui a décidé de les placer en détention le temps que les mérites de la demande d’extradition soient examinés (c’est ce qui est arrivé à Julian Assange en Angleterre et à Roman Polanski en Suisse).

Mais au delà de cette arrestation, il reste a savoir si l’arrêt total du site aurait été possible si les serveurs avaient été situé en dehors des Etats-Unis.

Les enquêteurs, qui travaillaient sur le dossier depuis plus d’un an, se sont appuyés pour engager leur action sur le Digital Millenium Copyright Act (DMCA) adopté sous l’administration Clinton en 1998, qui permet de frapper un service détournant une technologie en vue de pirater des contenus protégés.

Mais cette fois, les accusations vont au-delà de la simple responsabilité de l’hébergeur, derrière laquelle Megaupload se réfugiait jusqu’ici. Et comme l’avait affirmé la décision « EMI vs. MP3Tunes ».

Mais au delà de cette arrestation, il reste a savoir si l’arrêt total du site aurait été possible si les serveurs avaient été situé en dehors des Etats-Unis.

L’acte d’accusation est orienté vers l’incitation au piratage et le blanchiment d’argent, plutôt que sur la question de la responsabilité de l’hébergeur. L’affaire ne devrait donc pas déboucher sur une remise en cause du rôle de ces plates-formes similaire comme You Tube ou Google Music, qui ont presque toujours échappé aux sanctions. Leur responsabilité n’est pas engagée à partir du moment où elles suppriment les fichiers signalés par les ayants droit. Elles ont par ailleurs établi un système de reconnaissance permettant de rejeter des contenus protégés.

 

Pour Megaupload, ce sont les serveurs qui ont été saisis on peut penser que cette procédure aurait été plus longue en Europe, car il faut en général passer par une décision judiciaire. Même si France il existe des moyens de bloquer un site notamment pour les sites de jeux en ligne non agréés par l’Arjel (Autorité de régulation des jeux en ligne). Et lors des discussions sur la loi Loppsi certains avaient demandé la possibilité d’étendre ces mesures à d’autres domaines comme la pédopornographie ou la contrefaçon.

En Europe on peut faire un parallèle concernant le blocage avec l’affaire Wikileaks. L’hébergeur du site qui contenait les données sensibles était le français OVH. Plusieurs pays avaient fait pression pour qu’il coupe l’accès à Wikileaks mais OVH avait répondu que seul le juge pouvait décider de cela.

Dans le cas de Megaupload, l’un des salariés a confié que l’objectif était de « rétablir le service au plus vite ». Ce qui semble vouloir dire que tous les serveurs de la société n’ont pas été saisis. On peut penser que les contenus de Megaupload étaient dupliqués sur plusieurs serveurs. Si les serveurs non saisis abritent la totalité des fichiers mis en ligne, Megaupload pourra renaître dans un pays où il est plus difficile de sévir. Mais ce sera sous un autre nom, les autorités américaines ayant aussi fait main basse sur une quarantaine de noms de domaines détenus par la société, dont l’extension (.com,  .net…) est gérée par une entité américaine.

On peut aussi se poser la question de l’évolution de cet état des lieux sachant que 22 Etats de l’Union européenne dont la France ont signés le 26 janvier l’ACTA (l’accord commercial anti-contrefaçon). Cet accord mettrait en place un nouveau cadre juridique pour la protection des droits d’auteurs notamment. Il s’étendrait aussi aux produits contrefaits et aux médicaments génériques. Pour certains cet accord pourrait remettre en cause certaines libertés fondamentales et être une menace pour la liberté d’expression sur internet. Avec cet accord un blocage total d’un site sans l’intervention d’un juge serait-il possible ?

Benoît Bellaïche
b.bellaiche@gmail.com